Monday 4 May 2009

Pas de développement en Afrique sans remise en question

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Pas de développement en Afrique sans remise en question

L’année 2010 marquera, pour de nombreux pays africains surtout francophones, 50 ans d’indépendance donc de gestion du pouvoir entre les mains des élites dirigeantes africaines. Seulement, un demi-siècle plus tard, un constat se dégage de l’ensemble des États africains : le développement semble s’éloigner de l’Afrique au fur et à mesure que les années passent. Pourquoi l’Afrique demeure-t-elle à la traîne malgré toutes les richesses qu’elle possède ? Le continent noir peut-il sortir du piège de l’aide au développement si la bonne gouvernance s’installe effectivement et les mentalités changent radicalement ?

Les politiques économiques imposées à l’Afrique comme les ajustements structurels et les privatisations par le FMI et la Banque Mondiale se sont soldées par des échecs. Dès lors, l’Afrique doit-elle encore donner du crédit à ces institutions à la solde des pays riches ? Aujourd’hui, est-il normal pour la classe dirigeante africaine d’apprécier le conformisme cyclothymique du microcosme brettonwoodien et les discours filandreux de certains de leurs responsables avec leur armada d’économistes de littérature grise ? Il faut souligner que les économistes de Washington n’ont apprécié, dans les années 1990, les performances de leurs politiques économiques en Afrique tout comme c’est le cas de la mondialisation que pour mieux maintenir ce continent dans le cercle vicieux de la pauvreté. Ces économistes des institutions de Bretton Woods ne se plaisent-ils pas à perpétuer pour les intérêts égoïstes des États développés, la dépendance totale de l’Afrique ?

Répondre par l’affirmative peut sembler absurde, dénué de rationalité parce que des investigations et preuves ne sont pas toujours indéniables. Mais voyez-vous, la lumière se fait constamment dans l’esprit qui cherche sans relâche. Avec la crise financière qui creuse encore davantage les ventres affamés dans les États africains, le néolibéralisme ou le capitalisme à visage inhumain n’est-il pas devenu un nouvel avatar de la recolonisation de l’Afrique ? Peut-on indéfiniment prêcher la parole du bon ordre démocratique aux pays africains sans établir un bon ordre démocratique dans l’économie mondiale ? En effet, l’Afrique actuelle est comparable à l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba entre les mains de brigands, qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à demi-mort (Cf.Lc 10,30). Tous les malheurs qui empêchent la prospérité, voire le développement durable et humain intégral, se trouvent dans ce continent.

L’Afrique est-elle frappée par le calvaire de l’histoire qui maintient cette partie du monde dans l’instabilité politique, les crises sociales, l’aliénation culturelle, le suicide économique, bref le sous-développement ?

La gestion patrimoniale des pays africains, par les élites politiques au pouvoir et le soutien des régimes corrompus par certains pays occidentaux soucieux de faire du profit dans la confusion et le chaos au mépris de la justice sociale en Afrique, devrait préoccuper et interpeller les intellectuels de la diaspora. C’est une urgence pour les exilés africains du savoir de proposer des pistes de solutions pour sortir l’Afrique de la léthargie. Malgré les effets pervers de la fuite des cerveaux, l’exode voire l’exil forcé des enfants d’Afrique, le brain drain qui se poursuit à un rythme effrayant peut se transformer en brain gain, un levier important de développement. Pour cela, il faut une réelle volonté de changement de la part des leaders politique africains autant que cela s’est observé dans un pays comme la Chine. Depuis 1980, l’Empire du Milieu favorise le retour de ses intellectuels et l’implication de cette diaspora à la modernisation de ce pays. Cette politique s’appelle le « Ke Jiao Xing Guo », c’est-à-dire le renforcement de la puissance nationale par la science et l’éducation. Grâce au timonier Deng Xiaoping, l’instigateur de la démaoïsation de l’économie populaire en Chine, le père de la politique de reforme et d’ouverture lancée en 1978, ce pays dont on ne voyait aucune possibilité pour sortir du goulag de la misère fait trembler le monde par son éveil et son savoir-faire. C’est pourquoi, j’invite les différents acteurs du développement en Afrique à faire front commun et à être au dessus des divergences idéologiques pour changer le cours actuel de l’histoire africaine faite de bain de sang et de cris de désespoir.

Avec la récession économique mondiale, la crise profonde que vivent les pays africains peut connaître aussi des solutions meilleures et durables. Elle n’est pas une fatalité. Bien au contraire, cette crise doit pouvoir aider ce continent à envisager des lendemains meilleurs si la bonne gouvernance devient l’épine dorsale d’une saine gestion de la chose publique. Le sociologue québécois Fernand Dumont affirmait que la crise ne veut pas dire décadence. Cela veut dire plutôt que la société tout entière, à partir de ses bases, de ses accoutumances, de ses façons habituelles de s’interpréter, est mise en question. Pour le sociologue allemand Ulrich Beck, le père des concepts de la société à risque et de la modernité réflexive, « la crise est manichéenne parce qu’elle permet la remise en question d’une société par elle-même à travers les risques qu’elle produits ». C’est exactement pourquoi, dans la langue chinoise, le mot crise se compose de deux idéogrammes : le premier qui se prononce « Wei » signifie « le danger » alors que le second qui se lit « Gi » représente « la possibilité » ou encore l’opportunité.

Le sommet du G-20 à Londres sur la crise financière mondiale ne s’est presque pas penchée sur la situation critique des pays du tiers-monde plus précisément de l’Afrique. Et quand bien même on se serait intéressé au sort des pays du Sud, l’attention s’est essentiellement focalisée sur relance de la croissance des pays industrialisés et la régulation de l’économie mondiale.

Malgré 50 ans de crise renouvelée en Afrique depuis les indépendances, je ne doute pas, un seul instant, que l’Afrique puisse relever le défi du développement parce qu’elle possède d’immenses ressources humaines et d’énormes gisements naturels pour construire une société de paix, de justice et de prospérité. Mais pour que ce progrès soit possible et la prospérité tangible, il est impérieux que les Africains interrogent leur passé, évaluent leurs acquis dans le présent afin de mieux baliser leur avenir. Compte tenu de l’apport remarquable des diasporas intellectuelles dans l’émergence des pays comme l’Israël, la Chine et l’Inde, la diaspora intellectuelle africaine peut constituer le pilier solide du continent à la peau d’ébène pour sortir du labyrinthe de la néguentropie. Pour cela, il suffit que la classe dirigeante adopte de bonnes politiques de gestion participative visant à attirer l’expertise de la diaspora.|Ferdinand Mayega, journaliste-chercheur, Québec-Canada

Lu pouur vous,
Rangot Tsasa

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