Tuesday 9 February 2010

RDC

RDC : 50 après l'indépendance, le sang coule toujours...
Après 50 ans d’independance, la république democratique du congo

merite une paix durable et une veritable democratie pluraliste


Par José MASANGI

Depuis l’indépendance de la République Démocratique du Congo, et même avant cet avènement, le sang des Congolais coule toujours. C’est, étrangement, au cours d’un match de football qu’allaient couler les premières gouttes de sang.

C’était précisément le 16 juin 1957 à Léopoldville (Kinshasa ). Ce match opposait une équipe belge et congolaise. Il allait se clore par une sanglante bagarre à la suite d’une erreur d’arbitrage. Les blessés se comptèrent par dizaines.

Des témoins racontent qu’on alla même jusqu’à incendier les voitures des Européens, et que ceux-ci ne trouvèrent leur salut que dans la fuite. La colère venait d’éclater. Et il est un domaine où le durcissement des positions congolaises allait se faire sentir : la politique intérieure.

En décembre 1957, pour la première fois dans toute l’histoire de la colonisation, on organisa des élections communales dans trois grandes villes congolaises : Léopoldville (Kinshasa), Elisabethville (Lubumbashi) et Jadotville (Likasi). Ce fut pour les Européens qui y résidaient un choc moral très dur.

On voyait apparaître des noms qui deviendront célèbres par la suite : KASA-VUBU entre autres qui, à la suite de ces élections devint Bourgmestre du quartier Dendale (Léopoldville). Tout de suite, il va se distinguer en revendiquant l’accès aux universités et la reconnaissance de la nation congolaise.

Au cours du discours qu’il prononça, une phrase, celle de la conclusion, contribua à le rendre encore plus célèbre : "L’instauration de la démocratie ne sera établie que dans la mesure où nous obtiendrons l’autonomie… Nous demandons des élections générales" [1]

L’apparition d’un second personnage tout aussi important sur la scène politique : Patrice LUMUMBA. Il crée en 1958 le MNC (Mouvement National Congolais). C’est une nouvelle grande première dans la politique congolaise. LUMUMBA n’a pas cet esprit de tribu et de caste. Son parti politique, il le crée en vue d’y voir adhérer tous les Congolais, de quelque origine qu’ils soient.

Il réclame l’indépendance en 1962 ! C’est la première fois qu’on ose, tout haut, prononcer ce mot terrible d’indépendance. Certes, à la même époque, il y a bien un personnage qui, sa vie durant, eut l’art de "mettre les pieds dans le plat", en l’occurrence le général DE GAULLE, président de la république française, qui viendra déclarer à Brazzaville : "L’indépendance, quiconque la voudra pourra la prendre aussitôt. La Métropole ne s’y opposera pas" [2]. Deux jours plus tard à Dakar ( Sénégal) il dira même : "Vous voulez l’indépendance ? Mais prenez-la donc ! "

L’envie de l’écouter prit d’immenses proportions sur l’ensemble du territoire africain. LUMUMBA en tête, une délégation de membre du MNC partit à la conférence panafricaine d’Accra au mois de décembre de la même année, et eut l’occasion d’y rencontrer Sekou TOURÉ, chef politique de la Guinée. A son retour, la conviction de LUMUMBA était établie : l’indépendance n’est pas un cadeau à recevoir de la Belgique, mais bien un droit fondamental du peuple congolais !

Le 4 janvier 1959, le sang allait encore se répandre une fois de plus. Un meeting de l’ABAKO (parti politique de KASA-VUBU) avait été interdit, ce qui donna lieu à des émeutes d’une rare violence.

Des magasins allaient être pillés, dévastés, incendiés. Cela allait durer trois jours au cours desquels 42 Noirs furent tués et 250 blessés.

A noter qu’à la même époque éclatèrent encore deux émeutes particulièrement violentes en août entre Baluba et Bena-Luluas. La Belgique sentit très bien qu’il s’agissait d’un véritable signal d’alarme.

Le 13 janvier de la même année, on entendait sur les antennes de la radio nationale belge et sur celles du Congo, un message du roi BAUDOUIN, lu sur un ton qui ne dissimulait pas l’angoisse : "Notre ferme résolution est, aujourd’hui, de conduire sans atermoiements funestes, mais sans précipitation exagérée, les populations congolaises à l’indépendance dans la prospérité et la paix" C’était clair.

On sut, ce jour-là, que l’aventure congolaise aurait une fin.

Mais ce qui gêna encore un noyau de chefs de divers partis politiques congolais fut cette rectification lourde de sens dans la déclaration royale : "sans précipitation exagérée" Et ces chefs furent reçus par le ministre Van HEMELRIJK afin de lui réclamer la fixation de la date de l’indépendance pour le 15 juin 1960, ainsi que l’organisation d’élections générales. 30% seulement de la population y avait participé. La course à l’indépendance est consommée.

Il n’était plus question de le nier : l’indépendance, le Congo l’obtiendrait, et vite. Comment expliquer que 70% de la population a dédaigné les urnes ?

Théories et versions diverses allèrent bon train. On s’en doute. D’aucuns prétendaient que la plupart des électeurs ne savaient pas exactement ce qu’on leur demandait, d’autres profitèrent même de l’aubaine pour décréter que le Congo ne souhaitait pas son indépendance et que seuls quelques évolués bien connus sauraient en profiter.

Que fit le gouvernement belge ? Il alla s’en référer à ces évolués. C’est ainsi que les 19 et 20 février 1959 se réunit à Bruxelles cette fameuse "Table ronde belgo-congolaise" où participaient 44 délégués congolais. Détail intéressant : Patrice LUMUMBA se trouvait en prison. Il allait sortir de cette réunion un décret capital : le Congo recevrait son indépendance le 30 juin 1960.

L’accession du Congo à l’indépendance politique et les circonstances dans lesquelles elle s’est réalisée, ont créée une forte tension entre les diverses forces politiques que sont les unitaristes et les fédéralistes.

Jusqu’en 1959, la loi n’autorisait pas l’organisation des partis politiques au Congo. Mais l’idée de la création des partis politiques au Congo remonte à 1955. Elle a surgi du choc provoqué par la contestation politique face au système colonial belge.

Comme on peut s’en rendre compte, les rapports entre les deux communautés (belge et congolaise) ne furent pas des plus faciles et des plus amicaux à cause des attitudes antagonistes des deux communautés. En dépit de cette législation, il y a eu quand même des tentatives. C’est notamment les cas :

- En 1957 avec l’Action Socialiste et l’Union Congolaise, à l’initiative de quelques Belges.

- En octobre 1958 : naissance du CERA à Bukavu, du Mouvement National Congolais (M.N.C) à Léopoldville (Kinshasa).

- En juillet 1959, le M.N.C fut scindé en deux ailes entre LUMUMBA (unitariste) et KALONJI, ILEO, ADOULA, NGALULA (fédéralistes) ; la création de la Confédération des Associations tribales du Katanga (CONAKAT) à Elisabethville (Lubumbashi).

- En avril 1959, la création du Parti Solidaire Africain (P.S.A) à Kikwit ; de l’Alliance des Bakongo (ABAKO) à Léopoldville, au Bas-Congo ; du Parti National du Progrès (P.N.P) à Coquilhatville (Mbandaka) ; de Association Générale des Baluba du Katanga (BALUBAKAT) à Elisabethville.

D’autres partis seront crées entre janvier et 30 juin 1960: Union Mongo (UNIMO) ; Parti de l’Unité Nationale (PUNA) ; Alliance des Bayanzi (ABAZI).



Comme le soulignait le professeur SAMBA KAPUTO : "La contestation politique de 1955 a donné un coup de pouce à la revendication congolaise, pour aboutir à la reconnaissance d’un statut de l’élite noire et à l’autorisation de la création des associations tribales. L’élite congolaise prendra la tête de ces associations tribales. Et quand l’autorité coloniale autorisera la création des partis politiques, ces associations n’auront plus le temps de créer des partis formés d’intellectuels. Cela a eu pour conséquence les luttes entre différentes tribus avides de leadership ; c’est là l’origine du caractère ethnique de certains partis politiques de l’époque et même d’aujourd’hui" [3].

Le pays est passé d’un extrême à l’autre sans véritables cadres politiques et administratifs compétents. Voilà donc le climat dans lequel s’est élaboré le pluralisme politique au Congo. Ce climat dans sa dimension ethnique, n’a pas manqué de compromettre l’avenir du système multipartiste. Il s’ensuit, tout logiquement, que le pluralisme de 1960 a constitué un handicap au fonctionnement normal des pouvoirs traditionnels de l’État jusqu’à l’avènement de la deuxième République.

L’expérience des années 60 nous semble avoir démontré que le pluralisme politique n’est viable que s’il assure à toutes les tendances politiques une place satisfaisante dans la vie politique.

Et comme le dit encore si bien Bernard LISSENDJA BOLIMBO : "Vu le délabrement tragique de l’économie nationale, il s’impose d’assigner au pluralisme politique une mission incitative du développement. Pour ce faire, chaque parti devra sensibiliser ses membres pour la reprise du travail en vue de relever le défi économique, sans lequel la démocratie pluraliste risque de s’attirer l’indifférence populaire" [4].

Pour instaurer la paix et la démocratie pluralisme en Afrique et au Congo en particulier, il est vivement souhaitable que le mandat présidentiel soit limité à 4 ans, renouvelable une fois, comme aux Etats-Unis.

Les Français comme les Américains n’accepteront jamais que leurs présidents restent au pouvoir pendant plus de 20 ans. Et même les présents eux -mêmes trouveraient anormal de monopoliser le pouvoir de cette manière-là. Vous me direz, parce qu’ils sont démocrates !

L'Europe et les Etats-Unis d’Amérique qui ont une longue expérience démocratique pourraient, sans complaisance, aider les Africains et les Congolais en particulier à aller dans ce sens-là. C'est notre ultime voie de sortie pour aspirer à une véritable paix et une démocratie pluraliste. Il n' y a pas d'autres alternatives. Le débat est ouvert…

Lu pour vous

Rangot Tsasa